Blog de Rawa-Marie Pichetto
Écriture spontanée, sans fioritures...

Ce blog est un récit.
Le récit de "personnages en quête d'auteur", comme dirait Pirandello...
Il s'agit de passer l'énergie sous forme de mots et d'images avec toute la difficile alchimie du Verbe et de ses diverses articulations.
Alchimie que l'on trouve au théâtre.
Les planches m'ont appris ce mystère incroyable que l'on trouve dans les mots. Ces mots qui nous touchent, nous caressent, nous procurent du plaisir. Les mots qui parviennent à notre peau, sensuellement parfois. Et nous n'en sortons pas indemnes.
J'emprunte à tout ce monde de la scène - théâtre, cirque, danse, théâtre dansé, ... - sa magie, afin qu'il en tombe par-ci et par-là...


En contrepartie du "chapeau" de ce blog (la citation de Paul Valéry), je pense à ce poème de Charles Baudelaire dans les Fleurs du Mal :

'Correspondances'
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

samedi 21 octobre 2017

Pittoto,

Demain 22 octobre 2017, est le souvenir de ton départ de la vie physique. Ton cœur s'est arrêté ce jour-là, et tu es parti... Ton corps a été incinéré le 27 octobre.
Tu me manques Pittoto.
J'ai gardé ton souvenir le plus pur possible, afin de préserver ce que tu as pu faire, ton œuvre, ton esprit.

Il est dur de ne plus pouvoir gloser avec toi tel des marins sans cesse ivres d'embrun, comme tu me l'as écrit un jour lorsque tu parlais de notre propension à cette parole infinie, et tu as employé cette image des 'marins ivres d'embrun', que j'avais trouvée très belle, et pleine de cette poésie succincte dont tu étais capable parfois, ayant une âme de poète discret...
Je continue à sentir ton cœur qui m'a tant donné, qui a arrosé ma vie malgré toutes les douleurs, et les tiennes surtout.

J'ai toujours envie de croire aux esprits après la mort pour penser que tu es quelque part parmi nous.

Quelques jours avant ton décès, j'écoutais cette chanson-poème de Mahmoud Darwich, un poète palestinien, interprétée par Marcel Khalifé.
"J'ai la nostalgie du pain et du café de ma mère... L'enfance grandit en moi jour après jour, et j'adore ma vie car si je venais à mourir j'aurais honte des larmes de ma mère..."
J'étais imprégnée de ces mots avant ta mort, comme si je t'accompagnais doucement dans ce voyage que tu ne craignais pas, je le sais car tu me l'avais déjà dit plusieurs fois. Tu n'avais pas peur de mourir.

Je garde en moi cette " jeune branche de la fidélité " (d'un autre poème de Darwich qui s'appelle : La plus belle des mères et qui dit :
La plus belle des mères est celle qui avait attendu son fils,
Et il est rentré martyr
Alors elle a pleuré : deux larmes et une rose
Et ne s'est pas isolée dans les habits du deuil.
Nous résistons ici à côté de ces énormes débris,
Dans le cœur, cette jeune branche de la fidélité.)

Je garde cette "branche de la fidélité" Pittoto, car tu m'as donné beaucoup et aucun mot pour l'instant ne peut quantifier et qualifier cet héritage que j'épure et travaille petit-à-petit... 

Repose-toi en paix.

samedi 23 septembre 2017

Ta mort s'accumule dans des strates qui se superposent les unes sur les autres.
Plus le temps passe, plus je sens le silence s'épaissir. Le silence de l'absence.
Cela me fait peur, car j'ai peur de "t'oublier" dans le tumulte du silence. J'ai peur du temps, celui qui nous vole à nous-mêmes...

Il n'y a que moi qui pense à ton souvenir dans mon entourage proche... Et c'est logique.
Il reste de toi mon identité. Mon histoire ici.
Mais tout s'entoure de silence, d'absence. Comme si rien ne pouvait se valider et que tout était pétri de vent.
L'épisode avant ta mort, la fin de notre histoire, tout cela a comme invalidé un pan entier de la vie que j'ai construite avec toi et qui est pourtant la mienne, et qui a formulé et déterminé une partie de nos sorts... C'est impossible de considérer que c'était du vent. C'était cette histoire, aux contours irréalistes parfois, qui a fondé une partie cruciale du sort de deux êtres. Et leurs entourages respectifs aussi.

15 ans, 16 ans... Mon histoire s'est fondée sur cette "blessure". En prendre conscience c'est vivre et non subir.
Quand je me suis relevée, j'ai trouvé que tout était ruines autour de moi.

jeudi 21 septembre 2017

J'ai vécu le deuil de ton départ toute seule. Absolument toute seule. Comme si je vivais dans l'ombre. L'ombre de mon histoire et de moi-même. Je n' "existais" plus, car d'une part je n'avais plus le droit à une existence légitime, d'autre part il était difficile de parler de toi compte tenu de l'étrangeté de notre relation.

Roland Barthes, dans son livre Journal de Deuil - qui constitue des notes prises durant des mois après le décès de sa mère - a été presque mon seul "compagnon" de tristesse, d'étrangeté. Dans ce Journal de Deuil , que je n'ai pas encore fini de lire car je picore par-ci par-là quand je peux lire ce genre de textes, j'ai trouvé beaucoup de correspondances entre ce qu'il a vécu et ce que j'ai vécu.

Je continue à construire. Ton départ m'a "larguée" dans la vie. Il a fallu que je me débrouille toute seule moralement, que je goûte à l'amertume de la mort, son existence réelle. Je vis avec ton absence, comme avec une ombre. Elle est là, mais je ne la vois pas.
Des strates se sont accumulées depuis ta mort.

Tu sais, le banal c'est cet instant ou l'autre, quel qu'il soit, te regarde avec un œil qui ne brille pas. A cet instant précis, tu as l'impression comme si tout ce que tu vis n'avait pas d'importance. Que tout peut se solder dans le flux incessant des événements. Que tout rentre dans une case pré-existante. On range ton "affaire", si précieuse à tes yeux, dans une case. Et voilà, ton histoire, si particulière, devient banale...
Banale la mort d'un ami proche comme un frère!
Banale les répercussions de cette mort sur les êtres qui l'ont aimé, etc.
Car tout est catégorisé, tout est explicable par la super-science de notre culture moderne qui veut tout guérir, tout maîtriser...
Une civilisation qui veut que le "ça baigne" soit la règle. On ne peut plus être triste, fatigué, etc.
Une société qui ne supporte pas ce qui ne va pas. Et donc, il faut se faire traiter et se taire.
On ne supporte plus, pas ce qui peut perturber la marche de l'économie. Tout doit rentrer dans l'ordre établi.

Depuis ton départ, suivi quelques mois plus tard par la campagne des élections présidentielles, et tout le vécu douloureux de cette période plus la prise de conscience, j'ai changé de prisme de lecture de la période que nous vivons, ainsi que des valeurs fondamentales politiques et sociales.
Tous les masques sont tombés tout d'un coup devant mes yeux. La grande farce est apparue sous un grand soleil qui la dévoile avec une netteté absolue.

Et voilà !

- Bientôt un an depuis ton départ! C'est affolant.

mercredi 19 avril 2017

Table, bureaux, papiers

Le cadre :
- des DVD : "La Télévision - Pierre Bourdieu", "Jean-Marie Gustave Le Clezio, entre les mondes"  , un DVD documentaire sur Claude Levis-Strauss et quelques DVD sur le théâtre et la danse...
- mon ordinateur : deux navigateurs ouverts et plusieurs onglets d'émissions de France culture, articles scientifiques et politiques et surtout actuellement : des vidéos sur Abd el-Halim Hafez, le chanteur égyptien que j'écoutais chez ma mère qui l'aime beaucoup... Entre les mélodies dansantes de l'accent du parler égyptien, et mes diverses pérégrinations intellectuelles, je me trouve "répandue", éparpillée sur plusieurs lits culturels qui forment mon univers hétéroclite, éclectique où il est parfois difficile de trouver un fil commun que seule, ma connaissance intime de chaque chose et univers que j'aime me permet de tisser...

Mais ce tableau me paraît toujours insolite, tableau composé sur une table de salon ordinaire à côté de mon bureau "officiel", et où il me plaît de déménager, le soir, mon ordi pour regarder mes vidéos et/ou lire...

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Je nourris un attachement particulier aux bureaux, ces meubles qui constituent un microcosmos, une miniature de nous-mêmes, de ce que nous aimons, nos objets qu'on pense être les plus précieux, et surtout nos papiers et leur relation intime aux tiroirs...
On glisse, on glisse dans ces tiroirs des calepins, des bouts de papiers, d'anciens agendas. On pense les mettre dans des endroits préservés, sûrs. Et nous pensons être sûrs de ne plus rien oublier! Puisque ... tout est bien gardé.

Mais...
Les années passent parfois à notre insu, et ce n'est pas une phrase banale saturée de son sens.
Si, les années passent à notre insu. On les vit mais elles nous traversent comme un train et nous voyons défiler les paysages de notre présent. On ne fait que courir après. Le temps n'est plus posé. Il est consommé rapidement.
Ce mouvement rapide est délétère pour la mémoire.

Nous nous rendons compte que les petites choses précieuses qu'on avait cachées et/ou glissées dans des endroits dits "sûrs" ne sont pas si protégées que cela. Elles ont subi l'érosion.
Nous n'avons plus les repères spatio-temporels qui nous permettaient de revoir nos affaires en toute tranquillité et de savoir que la mémoire n'est pas atteinte.
Nous nous rendons compte, en réouvrant un tas de tiroirs, de dossiers, d'enveloppes, de petites poches, etc., que des bribes de notre vie, conservées dans des bouts de papiers, sont devenues inertes... Nous voyons presque couler devant nous une partie de nous-mêmes dans des courants qui passent... Et qui se résument à ce "temps" où la mémoire s'est volatilisée un jour.

Nos vies sont dans des bouts de papiers inertes. Elles ont perdu de leur éclat, de ce moment où, lorsqu'on les ouvrait, on pouvait être happés par une sensation à la fois de joie et de tranquillité : "tout est là, je sais, mon passé n'est pas parti".
Ces pensées c'était avant la "mort". Celle qui pose un silence lourd, assourdissant.
Il est très dur de reprendre le fil.



jeudi 6 avril 2017

Un papier!

Un papier, un seul, a déclenché l'avalanche de 15, voire 20 ans de vie, dispersés dans des cartons de toutes sortes.
C'est dur de constater à quel point le temps peut, à l'instar de l'action de l'eau sur des rochers, éroder la mémoire!
Je ne me souvenais plus de rien... Toute une vie où je pensais avoir une bonne mémoire, celle des détails, des petits mots, des petits objets que je gardais précieusement lors de mes déplacements et déménagements multiples entre diverses villes et campagnes.
Il fut un temps où mon cerveau se souvenait de tout, savait où se trouvaient les "objets" de ma vie... Moi qui avais transporté mon histoire d'un continent à un autre.
Il fut un temps où je savais où ces figures du passé étaient conservées.
Et il advint un temps où j'ai tout perdu.

Mon histoire devient "une histoire", une histoire de vie jalonnée d'épisodes insolites. Des histoires de vie successives et mélangées les unes aux autres, desquelles j'essaye de sortir un canevas, un sens, une paix, une harmonie, malgré les dimensions tragiques de certaines d'entre elles.
J'ai un regard tendre envers tous ces protagonistes qui ont "joué" leurs propres histoires dans ce grand théâtre grave, et dont je fais partie.

C'est aujourd'hui que j'ai compris l'oubli. Ouvrir une boîte, et revoir ce que nous fûmes et que nous avons totalement oublié!
Oubliés les petits papiers précieux que je semais partout, mes petites écritures incessantes, mes petits calepins...
Oubliés mes enveloppes et souvenirs divers et variés
Oubliées des photos, des lettres précieuses
Oubliée une part entière de ma vie.
Quand j'écris cette dernière phrase, une seule image m'envahit : les décombres, les débris d'immeubles effondrés par une guerre.

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Il a fallu que ta mort vienne couronner tout cela, Pittoto. Sans elle, je n'aurais pas osé arrêter le temps et le remonter.

"Même si j'ai tort, laissez-le moi un peu..." (Edith Piaf, Mon Dieu)

Toute mon histoire est brisée, Pittoto. Et ta mort est venue couronner tout cela. Couronner 5 ans de guerre, de douleurs, de prise de conscience de choses insupportables.
Couronner un chemin où il a fallu que je prenne conscience de la réalité.
Prise de conscience qui a commencé en 2015 lorsque Cabu a été assassiné.
Et lorsque tu es mort.

Tu le sais si bien.

Si je raconte tout cela ici, c'est pour le transformer en "récit", en beauté, si possible. C'est pour sauver la vie qui palpitait si fort en toi, et qui est partie trop tôt, trop vite. 

Lorsqu'on aime une musique, on la réécoute. Et bien, j'aime tant reparler de toi, Pittoto.



Le temps de la fin... Le temps des cerises...

J'ai relu toute la correspondance avant le diagnostic de ta maladie... C'était il y a un an à peu près.

Il y a un an pile poil, j'ai senti, en te voyant une fois, après une longue période où on ne s'était pas vus, que quelque chose n'allait pas.
Tu avais l'air plus grave que d'habitude, sans pour autant montrer que quoi ce soit.
Et à mes questions tu répondais par des calembours... Je t'ai tiré les vers du nez jusqu'à ce que tu m'aies dit ce que tu avais comme symptômes, et j'ai compris tout de suite.

Puis, les choses se sont accélérées, comme "il se doit" dans le monde médical... On t'a fait toute la batterie d'examens. Tu affrontais cela d'un oeil scientifique comme d'habitude. En prenant de la distance parfois... Distance qui m'a paru cette fois-ci trompeuse.
Le jour de l'examen suite auquel le diagnostic était tombé, tu m'as dit que tu emmenais avec toi un livre de Paul Valéry, dans l'attente des résultats.

Les résultats...
Nous étions ici, dans la maison de campagne. Il faisait un temps bizarre; des orages, du vent, et ça soufflait partout. C'était à certains moments apocalyptique.
J'étais dans la cuisine, je préparais des gâteaux pour la fête d'anniversaire de Lou, pour l'école. J'étais seule, dans la cuisine, après le déjeuner, heure à laquelle je finissais la vaisselle. Je pensais à toi et nous étions dans l'attente des résultats... Je pensais que là tu étais sans doute sorti de l'examen.
Tout d'un coup, quelque chose s'est emparé de moi ; je me suis assise sur le bord d'une chaise et j'ai pensé à toi fort, et j'ai crié silencieusement "Pittoto", et je pleurais. Comme si j'avais senti que la sentence était tombée...
Puis j'ai continué mon travail, les yeux et les oreilles rivées sur mon portable dans l'attente d'un sms.

Le soir, vers 18h, je reçois de ta part un mail où tu me demandais si je savais pourquoi les serveurs de certaines de tes adresses mail ne fonctionnaient pas ! J'étais tombée sur le c... Car je ne savais pas comment prendre ton message : a-t-il eu de bonnes ou de mauvaises nouvelles ?! En premier lieu on pouvait penser que t'avais eu de bonnes nouvelles vu ton courriel, sauf que le fait de ne pas donner d'info sur les résultats m'a mise la puce à l'oreille. Je t'ai répondu à ton courriel.
Lou était en train d'écouter Léo Ferré au salon (je suis souvent dans la cuisine à côté). Son disque préféré : Paname. A un moment donné, passe la chanson "Si tu t'en vas". En même temps, installée toujours dans la cuisine avec mon ordinateur, je fais un check up de mes mails. Et là, pendant que Léo chantait : Si tu t'en vas, je lis les nouvelles de tes résultats. 

Je me souviens que pour moi il y a eu, comme on dit, un avant et un après.

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Nous rentrions à Toulouse ce soir-là après le dîner.
Le temps était toujours maussade, orageux.
Dans la voiture, s'installait un silence total. S. conduisait et moi j'étais dans mes pensées ; je ne sais plus si j'écoutais de la musique, ou j'étais ailleurs, totalement.
Je sais que le ciel était gris, les nuages sombres, et ça accompagnait l'annonce de ta maladie.
Comme si les éléments étaient réunis pour mettre en scène l'annonce, apocalyptique, criante, de ta maladie. Je l'ai senti comme ça et je l'ai vécu comme ça. C'était comme si on sonnait le glas. J'ai très bien compris ce qu'il allait se passer.
Ta sœur aussi.

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Il y a tellement de sens dans ta mort, ta vie, ton œuvre, que je ne peux pas me taire.
Je marche sur ce chemin où un jour tu m'écrivais, plein de désespoir, le tien en particulier "joyeux" : "un jour, tu écriras les mémoires de Victor-Emmanuel", qui était ton double.
Et pourtant, je sais bien que tu ne voulais pas mourir... Mais tu étais désespéré. Déçu, frappé, épuisé.

" Cette rumeur qui vient de là
Sous l'arc copain où je m'aveugle
Ces mains qui me font du flafla
Ces mains ruminantes qui meuglent
Cette rumeur me suit longtemps
Comme un mendiant sous l'anathème
Comme l'ombre qui perd son temps
À dessiner mon théorème

Et sur mon maquillage roux
S'en vient battre comme une porte
Cette rumeur qui va debout
Dans la rue aux musiques mortes
C'est fini la mer c'est fini
Sur la plage le sable bêle
Comme des moutons d'infini
Quand la mer bergère m'appelle"
(La Mémoire et la mer, Léo Ferré).

Cette chanson-poème que j'aime en particulier, m'a accompagnée pendant toute la fin. Pour des raisons obscures. Comme elle l'est elle-même, mais qui a cette capacité de crier au fond de certains qui l'aiment sans comprendre pourquoi..
J'écoutais la version de Bernard Lavilliers qui l'a interprétée il y a quelques années. Elle est magnifique aussi. 


Je te mets les deux :




A bientôt, Pittoto.
Bisous

mercredi 5 avril 2017

J'ai fait un "plouf" dans les papiers... 15 ans en arrière. 15 ans où je sens enfin l'odeur de la vérité, où je sens toucher, au plein milieu de la profonde douleur, un sens.
De quoi, je ne sais pas encore. Mais je relis, au hasard, des papiers semés par-ci, par-là dans des dossiers en carton dont on avait particulièrement l'art... Un art de l'organisation, bordéliquement efficace! 
Je suis remontée en effet 15 ans en arrière, jusqu'aux sources de ma propre vie...

Tu aimais semer partout des mots, des écritures, des lettres, ... Tu étais un feu d'artifice, une floraison permanente de l'esprit. Le tien, boulimique, insatiable, touchant à tout. Je ne sais pas comment décrire comment tu étais! L'image exacte me manque.

Tu voulais qu'on écrive un livre lors de notre rencontre et après. Presque 500 courriels échangés en moins d'un mois entre toi et moi. Tu étais - et tu es toujours :) - la seule et unique personne que j'ai connue et qui répondait à tout, quasiment tout! Et ça n'a pas changé, même pendant ta maladie... Tu étais un "fou" de l'écriture, de la communication, du partage... J'ai plein de petits textes à toi où tu parles de toi, de ce que tu aimes. Mais il m'est difficile de les mettre sur la Toile, car je voudrais d'abord les protéger.

Tu étais d'une douceur ineffable, vraiment. Je crois que je t'ai mal connu et compris au début ; je t'ai certes senti, mais mal compris. J'étais trop jeune, trop jeune pour pouvoir marcher avec toi sur les pas de ce que tu étais...

J'ai encore un peu de mal à parler de l'épisode de ta mort. Tout ce chemin qu'on a fait avec toi de mai à octobre...

- Lorsque j'écris tout cela, je ne sais plus dans quelle réalité je suis ! C'est très curieux et enivrant comme expérience. Je suis tendrement avec toi, et dans une douceur infinie, mais je sais que je suis aussi dans ma réalité "réelle", là, ici, dans le présent dont les contours m'échappent, car mon cerveau porte ton existence et c'est cela qui me trouble dans cet espace de mélange spatio-temporel de la mémoire et du présent. Tu vis dans ma mémoire et cette vie est bien réelle. Tu es devenu un esprit, Pittoto... Et je te porte le plus fidèlement possible. Afin de te re-créer par mes petits mots, écrits spontanément et sans fioritures, comme je le dis dans le préambule de ce blog : écriture spontanée et sans fioritures. - 

J'écoute depuis quelques jours, une ancienne chanson interprétée par un chanteur égyptien célèbre, qu'a connu la génération de mes parents et que j'ai aimé grâce à eux. Il s'agit de : Abdel Halim Hafez. Décédé depuis longtemps.
Dans cette chanson, on entend :
" Toi, qui m'as figuré la vie comme un poème 
et qui as planté tes blessures dans ma poitrine, et tu as pris toute la patience. 
... Tu me manques. Apprends-moi à ne plus sentir ce sentiment de manque.
Apprends-moi comment les larmes peuvent-elles mourir dans les yeux?" 

J'ai envie de te dire que oui : tu as transformé ma vie en champ de fleurs, de poèmes que tu semais partout. La vie avec toi était belle comme un poème, oui. Dans le sens le plus haut, le plus beau de la poésie. Par ton sourire, ton humour, ta générosité sans fin, et ta tendresse. Malgré toutes les douleurs. Et malgré toutes nos difficultés.
Tu avais cet art du sourire... de la douceur, comme une bonne maman qui malgré la douleur et la fatigue fait sourire un enfant.
Et c'est ce qui t'a miné.
Tu m'as donné trop, trop de toi. Il est de mon devoir de le faire savoir.

Je te laisse là, monsieur Pichetto ! Qui aimais tant apprendre des mots d'autres langues... et qui les disais à tout bout de champ. Ta vivacité ne peut que survivre.

Voici la chanson-poème que j'écoutais la veille de ta mort.
De Marcel Khalifé, chanteur et musicien libanais que je t'avais déjà fait écouter.
" Oummi" = ma mère.
Je t'avais écrit un mail, la veille de ton décès et que je ne t'ai pas envoyé, où je te parlais du mot "Oummi" en arabe...
Tu es mort le lendemain. Un pressentiment m'a empêchée de t'envoyer ce mail.
Le poème-chanson dit :
" Le pain et le café de ma mère me manquent... 
L'enfance grandit en moi, 
J'adore ma vie car si j'en venais à mourir j'aurais honte tellement les larmes de ma mère seraient infinies. "






La prochaine fois, je te parlerai du poème et chanson de Léo Ferré "La mémoire et la mer", que j'ai écoutée pendant deux semaines avant ta mort, et où je pressentais que c'était fini...

"Une mathématique bleue sur cette mer jamais étale
d'où nous remonte peu à peu cette mémoire des étoiles..."
(La Mémoire et la mer).

A bientôt, Pittoto.


mardi 4 avril 2017

Très curieux... Tu es présent dans ma tête depuis quelques jours d'une manière constante, douce et agréable. Tu es là, je te sens presque.

Je voyage avec toi ou tu voyages avec moi, dans mon esprit, je ne sais comment le dire! Je t'accompagne par des chansons et des musiques qui elles-mêmes m'accompagnent depuis longtemps et sur lesquelles je pose mes errances, mes tristesses les plus profondes, et je crie de l'intérieur.
Je t'ai accompagné pendant ta mort, mais tu ne le savais pas.
Lorsque je t'écris, comme maintenant, tu es vivant et la mort ne t'a pas atteint, tu es là avec ton sourire doux et apaisant.
Je t'entends me parler, ou répondre à mes mails.
J'ai plein de choses à te dire, à écrire, mais il y en a eu tellement ces derniers jours que mon cerveau n'arrive pas à synthétiser... 

C'est la première fois, depuis ta mort, que je te revois dans ma mémoire sous une image apaisée. Tu es .... apaisé. Est-ce vrai ?
C'est "beau" ce délire de l'esprit.

J'ai envie de t'écrire ce soir avec beaucoup de tendresse.

Je relis des mots à toi semés partout, y compris dans la Toile. C'est saisissant. Mais je n'ai pas la force ce soir de les mettre en exergue. J'ai envie de tout rassembler et en faire un joli bouquet, afin de te rendre une infime partie de ce que tu m'as donné et donné aux autres...

C'est mon seul espoir : celui de te rendre vivant, malgré la mort, les multiples morts... malgré les distances, les abîmes, les gens qui nous manquent, les douleurs infinies, ... j'ai envie de vaincre la mort par la mémoire.
Que ton souvenir se répande partout, telles ces étoiles dont tu as tant parlé.
J'ai envie que chacun garde de toi cette image de la tendresse que tu as donnée à tout le monde. Un sourire ineffable que mon cœur qui t'a connu longtemps sait sentir.

J'écoute en t'écrivant cette musique tirée d'une pièce de Pina Bausch.
Le morceau s'appelle La Prima vez. 



Ps : je te raconterai, après, avec quelles musiques je t'ai accompagné avant et pendant ta mort...

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Et là, en ce moment, je te sens revivre...

Les gens qui liraient ces mots penseraient que je délire. C'est un chemin, pour remonter le passé, te faire réapparaître à la surface. Je sais que ton corps n'est plus là, mais ton esprit est là. Puisque je suis encore capable de te parler, t'écrire. Je parle à cet esprit... que tu as tant diffusé autour de moi.




vendredi 31 mars 2017

O Let me weep...

Cette musique que j'ai découverte l'année dernière, m'a marquée. J'ai appris mes premiers pas de danse timide, avec ces sons et voix de "The Fairy Queen" de Purcel. Que tu connaissais.
Cette année, j'ai plongé dans le monde de Pina Bausch, et dans Café Müller où elle danse sur cette musique... J'ai réécouté ce morceau avec les mouvements de Pina, ses bras qui s'envolent dans l'espace pour retomber sur son corps, dans des mouvements fins et gracieux, comportant toute la tristesse de la complainte... de la perte.
J'ai réécouté The Fairy Queen et cette fois-ci j'ai lu les mots!

O let me weep, for ever weep! 
My eyes no more shall welcome sleep. 
I'll hide me from the sight of day, and sigh, and sigh my soul away. 
He's gone, he's gone, his loss deplore; 
and I shall never see him more.

Il y a des choses qu'on ne peut plus dire avec des mots simples. On peut les chanter, les danser, les pleurer sans pleurer... Mais on ne peut plus les dire avec des mots simples.

Je viens de découvrir que Jaroussky a interprété ce morceau.
Je ne fais pas beaucoup de commentaire sur le lien entre toi et ce morceau mais juste ça : "He's gone, he's gone, his loss deplore, and i shall never see him more".

Je n'ose même pas plonger totalement dans le monde de Café Müller car je partirais profondément loin sans doute. Dans une complainte sans cesse.
Qui me porterait dans ma chute ?

Je te mets le lien vers l'interprétation de Jaroussky ci-dessous. Si ton esprit est encore vivant (et là je t'entends te moquer de moi et me ressortir tes tirades sur le vide et la physique quantique et l'absence de vie après la mort... et le fait que l'Homme n'arrive pas à accepter sa mortalité, etc. Je dis tout cela avec mes mots, incapable de formuler les idées avec ta capacité de synthétiser et condenser en quelques phrases des sens en couches superposées, très profonds...), donc si ton esprit est là, tu écouteras l'extrait que je te mets... :))

Tu as écrit un jour ceci à propos de quelqu'un :
" Il me semble, à chaque fois que tu écris, que j'ai à retrouver et reprendre un livre couvert d'une poussière triste et poisseuse, dans une obscure bibliothèque dont j'ai perdu le nom...
Et le désespoir n'a pas de nom." 

Je ressens la même chose. Cette obscure bibliothèque existe bel et bien. La poussière y est triste, sans être poisseuse. Je n'ai pas de désespoir. Mais une profonde amertume... Car je suis devenue sans doute le lieu où est déposé une partie de ta mémoire mais comme on m'a symboliquement "tuée" avant et après ta mort, je ressens l'odeur de la poisse sur moi. Je ne peux ni vraiment ouvrir les infinies portes vers ces lieux de mémoire, ni ouvrir les volets pour que la lumière rentre,  et je ne peux exister au jour. Je suis contrainte à l'enfermement, celui de ma mémoire et de mon histoire avec toi.

Il est 10h d'un jour toulousain de printemps où il ne fait pas froid, mais ciel gris un peu... Un calme m'entoure et j'écoute, via mes petits écouteurs : The Fairy Queen, la version ancienne par une voix de femme. C'est la première fois que je t'écris le matin, dans ce calme de cet appartement où je suis depuis un moment.

J'ai envie de te dire : repose-toi en paix. J'essaye de faire vivre ta mémoire malgré tout et à ma façon, dans la tristesse et l'espoir. Celui de te retrouver via l'esprit, celui qui nous a tant liés, et qu'un jour nous appelâmes : l'Esprit libre! Te souvient-il ? :)
(Cette phrase "Te souvient-il" me fait penser au poème de Verlaine : Ame te souvient-il ? Je ne peux pas résister à l'envie de le mettre là ... et de penser à la voix de Léo Ferré qui l'a si joliment interprété....

Âme, te souvient-il, au fond du paradis,
De la gare d’Auteuil et des trains de jadis 
T’amenant chaque jour, venus de La Chapelle ?
Jadis déjà 
Combien pourtant je me rappelle (...)
Mon vieux bras dans le tien, nous quittions cet Auteuil
Et, sous les arbres pleins d’une gente musique,
Notre entretien était souvent métaphysique.
Ô tes forts arguments, ta foi du charbonnier !
Non sans quelque tendance, ô si franche ! à nier,
Mais si vite quittée au premier pas du doute ! 
Et puis nous rentrions, plus que lents, par la route 
Un peu des écoliers, chez moi, chez nous plutôt,
Y déjeuner de rien, fumailler vite et tôt,
Et dépêcher longtemps une vague besogne.
Mon pauvre enfant, ta voix dans le Bois de Boulogne ! )


Voici Jaroussky : 

  




jeudi 30 mars 2017

J'ai envie de te dédier ce poème ce soir, du poète colombien Alvaro Mutis et notamment quelques vers vers la fin...

Sonate


Pour les arbres brûlés après la tourmente.
Pour les eaux boueuses du delta.
Pour ce qui demeure de chaque jour.
Pour le petit matin des prières.
Pour ce que recèlent certaines feuilles
dans leurs veines couleur d'eau
profonde et sombre.
Pour le souvenir de ce bonheur bref
et déjà oublié
qui fut mon aliment de tant d'années sans nom.
Pour ta voix de nacre rauque.
Pour tes nuits où transite la vie
en un galop de sang et de rêve.
Pour ce que tu es aujourd'hui pour moi.
Pour ce que tu seras dans le tumulte de la mort.
Pour cela je te garde à mon côté
comme l'ombre d'un illusoire espoir. 

Je m'étais beaucoup arrêtée sur " Pour ce que tu seras dans le tumulte de la mort" et " Pour cela je te garde à mon côté comme l'ombre d'un illusoire espoir.". 
Ces mots me parlent profondément... Le " tumulte de la mort " est ce fracas terrible que tu as laissé derrière toi. Ce silence assourdissant. 

Et cette "ombre d'un illusoire espoir". Oui, parce que tu es toujours un espoir pour moi... L'espoir de ton ombre, ton esprit qui flotte dans ma tête. Les mots que tu m'as laissés, ta voix, ... 
Mais ma mémoire est fatiguée, très fatiguée. Je n'arrive plus à vivre. Je n'arrive plus à aimer, car j'ai peur. J'ai peur de ces distances, de cette impossibilité d'aimer, puisque ceux que j'aime sont loin. 

J'écris ici, car je ne peux plus dire cela à personne. Car cela ne peut plus se dire. Cela devient et doit devenir fiction, imaginaire, pour être partagé. 
C'est dur et lourd. Il faut que cela devienne une histoire... Dans l'histoire, on existe sans exister. On existe sans peser. Il y a la protection par la distance. Par la virtualité, par l'imaginaire. Il n'y a ni chair ni os. Il y a soit un papier dans un livre qu'on ferme lorsqu'on l'a terminé. Soit un bouton où on clique sur "fermer". Et on revient à notre quotidien. Comme moi lorsque je ferme cette page, et je reviens à ma "vie". 
Laquelle des deux est la plus réelle...?! C'est cette hésitation entre les deux qui me transforme en un être qui choisit le silence pour parler : celui de l'écriture. 

Tu m'envoyais souvent cette photo lorsqu'on se disait parfois "bonne nuit" par mail :)
Bonne nuit !







mardi 21 mars 2017

Se souvenir !

Je lis sur les "murs" de certains contacts sur Facebook, d'origine syrienne, des phrases et des textes courts ou longs, sur la Syrie. Tous expatriés depuis la guerre... et devenus réfugiés. Ils évoquent leur nostalgie, leurs vies dans leurs villes d'origine en Syrie...

Je lis les mots "exil", et un florilège de souvenirs où ils se rappellent les quartiers, les lieux quittés, sans choix, contraints et forcés.
Plus je lis ce genre de choses, plus je ressens mon propre "exil" au sein de cette identité que je n'ai pas choisie et qui me lie à eux par les faits et l'histoire.

Mon exil à moi est insolite, il est étrange. Mes racines affectives restent dans la ville où je suis née. Mais toutes les branches de ma vie (si je puis ainsi parler pour continuer la métaphore de l'arbre), ont poussé ailleurs! Plus je grandis, et vieillis, plus ce  fil qui reste encore attaché entre les racines affectives et mon tronc qui pousse ailleurs, devient fin, proche de la rupture.

Ma mémoire à moi ne veut se souvenir de rien. Elle est épuisée. Elle veut "oublier". Elle veut laver, frotter au savon, les taches de cette histoire traumatisante qui est la Syrie. De ce pays, je n'arrive à garder que la peur, le dégoût et l'évitement.
Sensations propres aux traumatismes...

Oui, j'aime la mer Méditerranée, j'aime les visages de mes parents, le sourire de mon père, et les souvenirs de mon enfance. J'aime le jasmin dont l'odeur parfumait une partie de mon enfance, et adoucissait ma vie et la vie des gens là-bas...
Plein d'autres choses que j'aime de ces lieux. Mais tout cela me semble enfermé dans un bocal fermé et inaccessible. Comme si rien n'était vrai, mais dans un état d'attente... Attente de liberté, de vérité. Jamais parvenues.

Je n'ai donc envie de me souvenir de rien du tout. J'ai envie d'oublier, pour vivre.

Je lis dans le livre de Nathalie Bontemps, Gens de Damas, un passage qui m'a particulièrement touchée et où elle parle des Palestiniens réfugiés en Syrie, vivant au Camp Yarmouk à Damas... :

"Un jour, dans une des grandes salles de réception du camp utilisées pour les noces, s'avançait une très vieille dame. Elle venait au mariage de ses petites filles. Sur son passage elle entendit une voix qui disait assez haut (peut-être la croyait-on sourde) : « Qu'est-ce qu'elle est vieille ! Il y a vingt ans, elle était déjà vieille ! ». Elle avait parfaitement identifié la chipie qui avait parlé. Elle se retourna et rétorqua sèchement : « Mais appelle donc Azraël, qu'il vienne me chercher, il a dû m'oublier ! »

Le comédien raconte l'histoire de son arrière-grand-mère, qui a vécu cent seize ans.

Lui, il a dans les vingt-cinq ans, une petite barbe et des yeux perçants. De Safad il a gardé cette scénette dans sa mémoire, mais sa patrie à lui, c'est le triangle délimité par la rue Yarmouk et la rue Palestine, c'est le camp. Ce n'est pas tellement la Syrie, ni la vraie Palestine restée derrière le Golan. Sa patrie c'est un quartier. C'est dans ces rues que sont déposées, un peu partout, les sensations qui l'ont construit. Elles habitent les murs, les angles, et parfois s'éveillent sans crier gare. L'autre matin, il s'est levé tôt. Il y avait bien longtemps que cela ne lui était pas arrivé. Il s'est trouvé à huit heures dans la rue de l'école, comme lorsqu'il était enfant. Toutes les sensations de cette époque lui sont revenues en même temps. L'odeur du gel qu'il mettait sur ses cheveux, sa peau un peu humide parce qu'il venait de se débarbouiller, les bus de ramassage scolaire qui affluaient un peu partout. Comme les empreintes digitales qui n'apparaissent qu'à la lumière, tout cela était déposé sur les trottoirs, sur les étalages des commerçants, les murs des écoles, et s'était soudain révélé.

Sa patrie c'est son quartier. Cela semble bizarre." (Safad, Gens de Damas, page 48, éditions Al-Manar, 2016). 

Ma "patrie" à moi est vraiment les rues de Toulouse, et de la campagne que je fréquente depuis 8 ans... Ma patrie à moi c'est le lien que j'ai créé lorsque j'ai décidé de faire un enfant... Ma patrie à moi c'est la langue française que j'ai aimée tant lorsque j'étais petite grâce à une relation affectueuse que me donnait l'une de mes tantes, parisienne, et grâce aux rêves d'enfant que j'avais, et qui étaient nourris par mes voyages, très jeune, à Paris : j'avais 5 ans la première fois où je suis venue en France... et j'ai été très touchée par une envie d'y revenir.
Ma "patrie" à moi ce sont tous les choix que j'ai faits depuis 24 ans... et qui, pour la plupart, se sont faits hors pays de naissance.
Je pourrais écrire des lignes et des lignes sur "ma patrie" à moi... C'est difficile d'être car les mots aspirent le fond de nous-mêmes, celui que nous ne pouvons définir en une seule étiquette. Mais le monde fonctionne par raccourcis!

Je fuis les arrêts fugitifs sur les réalités et les vérités complexes.
Tout cela me pousse au silence oral, et sans doute à l'écriture... versée sans éclat dans l'espace de l'Internet...

Les gens ne comprennent pas et généralisent. Cela me fatigue, m'épuise... moi qui suis à la recherche de la "perle rare", des nuances, de toutes ces petites choses qui font sens...

A suivre!

dimanche 12 mars 2017

A Bernard,
le compagnon passant, une fraternité sans fin 

Oui ! ça fait un bail que je ne t'ai pas écrit ni pensé à toi dans le même esprit avec lequel je pensais à toi juste après ta mort. Je ne pouvais plus.
Le hasard des choses a fait qu'aujourd'hui j'ai relu 3 ou 4 échanges de courriels de l'année dernière, quelques mois avant ta maladie.
J'ai retrouvé ton esprit immédiatement. C'est très fort cette magie.
J'ai retrouvé tes moqueries gentilles lorsque je te demandais éternellement des conseils, et te confiais mes problèmes. Tu me disais intelligemment beaucoup de choses. Avec cet esprit vif et percutant que tu avais.

Je ne pouvais plus penser à toi comme ça car ça me faisait mal. Ton absence a pris le dessus sur tout. J'ai plongé profondément dans le choc de ta mort, un choc qui est survenu bien après. J'ai réalisé à quel point tu n'étais plus là...
Je me suis anesthésiée physiquement et psychologiquement durant ces derniers mois pour tenir le coup, pour pouvoir dormir. Car j'avais perdu le sommeil après ta mort. J'avais peur de tout, souffrant également de phénomènes physiques douloureux qui se sont focalisés sur mon cœur. Mon cœur ne battait plus comme avant. Et c'est pas au sens figuré, mais réel.
Mon cœur me disait qu'il n'en pouvait plus ; il est devenu anarchique.

J'ai souvent pensé à toi et à ton cœur qui s'est arrêté. Souvent pensé à cet instant que tu as vécu. C'est la première fois que je réalise ce que c'est un cœur... J'ai beaucoup pensé à toi.

Lorsque je lis tes mots, cela me donne de l'oxygène. Oxygène qui me manque. L'oxygène de la pensée, de la parole intelligente ; l'oxygène de la voix, de la communication.

Je ne peux pas parler de toi autour de moi. Personne de ceux qui t'ont aimé et bien connu n'est à mes côtés pour partager une parole bienveillante à ton égard.

Je suis obligée de garder tout pour moi ; te parler "en secret" sur un blog public... Je suis consciente de cet acte de parole ouverte et un peu dérobée.
Mais depuis ta mort, je n'ai pu faire de deuil. Même ta mort m'a été interdite.

Je fais semblant depuis. Je fais semblant dans ma vie privée et sociale. Une mort est passée par là, mais touuuut vaaa bien ! Je souris, je ris, je suis active, etc.
Les gens me font comprendre indirectement qu'il ne faut surtout pas parler de choses qui fâchent. Il faut, soit aller voir un psy et prendre des cachets pour "être bien", soit rester dans son coin. Mais surtout pas montrer que nous vivons un deuil ! Oh là là ! Tu comprends, le culte du bonheur !

Sauf qu'un deuil c'est une confrontation directe avec la mort. Cette absence éternelle, ce silence assourdissant. Le vide.

Je ne peux pas facilement parler de toi non plus, car plus aucune légitimité réelle n'était restée entre nous. Puisque la période avant ton décès a été entourée d'une folie relationnelle dont j'ai payé les frais les plus chers.
Pour la première fois de toute ma vie j'ai été insultée publiquement (pour l'instant je ne te dis pas où...).
Etc. etc. Que dis-je ? Je n'ai la preuve de rien, à part être témoin d'une courbe affective complètement irrationnelle !
Les mots nous tuent comme ils peuvent nous sauver. Sur ce coup-ci, ils étaient mal utilisés et mal interprétés. J'ai tenté le recours à la raison, c'était trop tard.

Je te laisse un peu maintenant. Je reviendrais peut-être te parler de la France et la période des élections présidentielles, mais il faut que j'arrête d'abord d'en "vomir" pour pouvoir en parler.
Tu es mieux là où tu es sans doute! Nous sommes dans la merde.

-- Oh tiens, avant de quitter :  j'ai pensé à toi en écoutant ce morceau de Dave Brubeck : Take Five :)



A ciao et fraternité :)






jeudi 12 janvier 2017


12 janvier 2017

Ça fait longtemps que je n'écris plus rien… Je survole – très rapidement – tout. Je suis devenue une machine… Je réfléchis moins qu'avant ; je fonce.

Les jours passent depuis le 22 octobre 2016, le jour où ton cœur s'est arrêté. J'ai franchi de différents paliers depuis ton départ… Entre une sorte d' « ivresse » psychologique due au choc de cette annonce « surréaliste »… et un atterrissage dur dans la réalité où effectivement tu n'es plus là.

Là, lorsque j'écris, je te parle en fait. Mais j'ai beaucoup de mal à avaler le fait que tu ne sois plus là… Après ton décès, j'étais rentrée dans un état de presque « croire » que ton « esprit » était là… Je ne sais pas pourquoi ! Ça m'a perturbée profondément, d'autant plus que je ne suis pas croyante…

Puis, cette connexion s'est arrêtée. Mais tu es là partout, dans mon histoire, ma vie, mon identité.

Cette identité après laquelle je cours depuis des années… cherchant à redéfinir les mots, à leur trouver un véritable sens. Car le sens s'est dispersé.

Ce que je voudrais définir c'est à quel point la vie est en dehors du langage… y compris ce que nous sommes.
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Ma mémoire, malgré tout, arrive à retrouver ton sourire et ta vivacité. J'aime beaucoup parler de toi tellement la vie palpitait en toi Senior Pichetto ! Et tu étais presqu'un être dansant dans l'âme !

Je viens de découvrir la voix d'une chanteuse que je ne connaissais pas : Dorsaf Hamdani. Elle a fait un CD rassemblant les chansons de Barbara et de Fairouz qu'elle interprète ! Rien que ça… Tu aurais aimé, j'en suis sûre. Il faut croire que cette musique me met de bonne humeur…

Si au moins tu avais une tombe, je serais venue te raconter cela de vive voix !

A défaut, je le fais ici. C'est peut-être mieux, car ça permet de partager… « le pain de l'amitié ».

Bonne soirée Pittoto…